Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
le blog officiel du sieur monsieur
10 janvier 2010

Contes bathypélagiques.

Aphorismes sur les poissons ou « Grand Sommeil » des abysses ou Poèmes de bathyscaphe.

Marla expliquait, selon sa très-précise science ichtyologique : « Non, le Chauliodus n’est pas un poisson-radiateur au sens où il produirait de la chaleur. Le Chauliodus n’est pas non plus un animal qui se mange sur plaque chauffante. Le Chauliodus est davantage un poisson qui, dans l’eau, cherche les sources de chaleur pour s’y accoler et s’y réchauffer… Dans le vide noir des abysses, de telles sources sont rares, mais fort heureusement, il est le seul à chercher à se réchauffer. Il fait peu de cas de ce qui se passe à la surface. La plupart des poissons abyssaux sont d’une grande tristesse : leurs lumières ne leur servent même pas à se repérer dans le noir, il n’y a rien, aucun objet sur lequel la bioluminescence viendrait buter. C’est un univers muet, et seul le Chauliodus et ses semblables cherchent des ondes d’agitation dans cette eau figée. »

Puis, Marla embraya sur d’autres sujets. « C’est d’ailleurs ainsi qu’il est possible de l’attraper. Il faut laisser pendre dans l’océan, et à la verticale, un long câble d’acier -plusieurs kilomètres- , et attacher au bout de câble un chauffage qui ne craigne pas qu’on l’immerge. Si les cassignés et autres stomies l’ignoreront, le Chauliodus, lui, viendra s’y reposer avec respect et une infinie douceur de prédateur. Il sera alors aisé de le faire remonter à la surface, en tirant doucement sur le câble. Le poisson, confiant, suivra son chauffage, de peur de le perdre. On peut ramener des dizaines de Chauliodus de la sorte, frétillants et aux yeux tristes, tirés du grand sommeil des abysses. »

Mais Marla ne savait pas si la chair du Chauliodus était un mets respecté. Elle nous avoua trouver cette pratique barbare et insupportable. Une fois prises ses notes, et ses photographies, elle ordonnait que ‘on redescende le radiateur. Puis, le câble entièrement dévidé, dans la froide zone méso pélagique, elle coupait le courant, et les poissons, déçus, repartaient chez eux.

Une fois expliquée cette délicate histoire de poissons-radiateurs, nous fûmes tous plus ou moins rassurés. Mais subsistait un curieux malaise, né de l’obsession infinie de cet animal.

Quelle idée dérangeante, disait aussi John, que celle du grand radiateur soufflant de l’Institut d’Océanographie, pendant au fond des mers au bout d’un câble verticalement tendu, et dispensant dans les ténèbres statiques de ce néant liquide une chaleur diffuse et le faible signal de la diode rouge !

DSCF1935

Publicité
Publicité
Commentaires
M
J'adore ce poisson-radiateur.Si,si, cela n'est point basse ni profonde flagornerie. Monsieur s'éclate et bien en plus. Pour l'an neuf 2010 (et plus si affinités), je souhaite à Monsieur ce qu'il voudra : Il est assez près des dieux pour ne rien manquer. A+
A
Le Chauliodus porte des chaussettes.
G
En ces temps hivernaux j'agis comme un chauliodus, me déplaçant de points chauds en points chauds...
Publicité