Mamie douceurs
Divertissement
littéraire à caractère fictionnel.
Hier j’ai
été interpellé par un étrange olibrius que je ne connaissais pas, et qui
semblait pour le moins cocasse. Il arborait avec une élégance non dénuée de
fierté un vaste pantalon noir paprika, sans doute provenant de quelque contrée
fabuleuse et imaginaire comme la Bulgarie, ainsi qu’une veste rose carrelée de
jaune-mauve. L’homme se déplaçait un formant des triangles. Je remarquais sa
démarche titubante et entrepris de lui faire une leçon de morale à propos de
l’abus d’alcool, puisqu’il avait l’audace de s’approcher de moi et de me héler.
Il fit : Héla ! Je lui rendit son héla par une sorte de Hélo que j’ai
appris à Cancun. Il ne devait pas beaucoup aimer ce type d’entrée en matière
pour la conversation, car il eut un sourire mauvais.
Nous
étions alors à l’endroit de la Volksstrasse qui monte vers le clocher au cours
d’une pente à trente degré bien connue des vendeurs de pastèques géantes,
surtout quand vient la nuit et que l’on ne voit plus rien de ce qui nous
entoure, à cause de l’éclairage défectueux. J’ai à ce propos quelques amis
travaillant dans ce beau domaine sur cette belle perspective où il se passe
tant de choses.
Mon
ivrogne proposa que l’on fasse un petit tour ensemble, ce que j’acceptais fort
volontiers, étant moi-même en ballade.
Nous
n’avions fait que quelques mètres en direction des docks, mais mon étrange
homme saoul commença à montrer des signes de faiblesse, ou d’énervement, ou
d’excitation. Comme je ne voulais pas le décevoir, je ne lui fis pas remarquer,
mais n’engageais pas la conversation pour autant. Parvenus aux abords d’une
ruelle, il se précipita en son ombre sans prendre congé. Contre les immeubles,
il n’y avait pas d’échelle de sécurité malgré la réglementation, mais je décidais
de ne pas lui faire remarquer pour plusieurs raisons, la première étant qu’il
était déjà loin. Comme c’était à prévoir, il glissa sur les quais huileux et
tomba à l’eau. J’attendis plusieurs minutes pour voir s’il allait
ressortir ; puis, comme il n’en faisait rien, je décidais de continuer
seule. Ses goujateries m’étaient devenues insupportables, bien qu’elles ne lui
étaient pas vraiment familière. Cette courte aventure m’étonna, mais pas plus
que ce qui arriva ensuite.
Alors que je m’engageais dans la courte ruelle que
mon ivrogne venait de parcourir, je remarquais une petite forme rectangulaire
encastrée dans le mur, qui ressemblait fort bien à une porte de dimension
réduite. Mais sa surface ne différait pas de beaucoup de la surface du mur : en réalité seule
une mince aspérité détourait cette petite porte mystérieuse. Je l’ouvris ;
face à moi il y avait un long couloir, qui descendait au moins autant que monte
la Volksstrasse. Il fallait le suivre, et je me mis à en parcourir les parois humides
d’une seule main, pendant une demi-heure. Je devais alors être en dehors de la
ville, car d’ordinaire je traverse la ville entière en moins d’une demi heure.
C’est alors que j’ai commencé à entendre les petits pas, qui ne me sont pas
devenus familiers depuis, dieu merci. C’étaient des petits pas très normaux, à
la différence près qu’ils n’auraient certainement pas dû résonner ici, sur ces
parois de briques. Au début, ils allaient en s’éloignant, comme si un nain
quelconque de sous les cathédrales s’enfuyait en m’entendant approcher. Je
l’entendais mieux quand je m’arrêtais pour mieux entendre. Bientôt, il dû y
avoir une sorte de couloir adjacent, car vingt mètres devant moi, sur la
gauche, j’entendis quelqu’un faire la vaisselle. Puis, un Chinois jongler avec
des cuillers dans une sorte de rythme oriental inconnu à mes oreilles.
Après
une longue attente les petits pas reprirent, mais dans ma direction, et avec une insistance presque méchante. Il
n’y avait pas qu’une seule série de pas : une autre se démarquait, moins
petite, ainsi que des respirations de rhinocéros. Est-il nécessaire de préciser
que je ne voyais rien car j’avais gardé mes lunettes noires et qu’il n’y avait
pas d’éclairage dans cette partie de la ville ? Quelle idée stupide,
d’avoir placé cette porte ici, me dis-je en mon for intérieur.
Ne
voulant pas provoquer un accident de la route souterrain- je ne savais pas,
pour n’avoir pas vu de panneaux du tout, si c’était une voie à sens unique- je
rebroussais chemin et gagnais par la rue ma petite maison. En passant
j’achetais quinze kilos de chatons, pour l’hiver.