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le blog officiel du sieur monsieur
27 septembre 2009

Chapitres guerriers

« Perdu à cause d’un vieux fritz,

Les Prussiens

Ratent leur train

A la gare d’Austerlitz. »

Cinquante neuf détonations rendent sourds cent deux mille petits hommes dont un sosie de Ravel posés sur une sombre petite plaine. Un quart d’instant plus tard, il n’y a déjà plus que de la nuit, une grande nuit sans fond que poudre une poudre noire- celle des soldats.

Les soldats, ces fonctionnaires territoriaux, dispersent alors quantité de nuages : décharges puis nuages se succèdent dans de brèves saccades enragées, chaque coup rapprochant les deux factions l’une de l’autre. La terre, soulevée d’effroi, rejoint le ciel en une courbe parabolique puis se repose et recouvre des petites choses sans importance en plaques épaisses. Un général qui passe par là cherche à se faire voir par tous les moyens ; aux yeux de ceux qui l’accompagne il change de profil toutes les secondes pour trouver le meilleur.

Les soldats entrent dans une zone d’intense brouillard noir fort épais, où plus rien ne ressemble plus à rien. Le sol se décolle. Le soldat George crie au scandale : dans un trou il essaie d’allumer une bougie pour un camarade mort, mais ne peut le faire : chaque fois quelque chose emporte l’allumette. Au dessus le caporal Jambon essaie de le raisonner, mais il n’y prête pas attention, la voix du caporal étant recouverte par le bruit.

Une charrette de citrons culbute sur la trajectoire d’un groupe de soldats hardis. Leur caporal hurle sa déception et son incompréhension, en bon responsable : « Maudits citrons ! ».

Très vite tous ont disparu vers d’autres lieux où l’on a besoin d’eux. Le caporal se saisit d’un citron, et, avant qu’il ne disparaisse tout à fait, on aperçoit la tension de son bras pour éjecter le fruit dans la direction des bruits.

Les pas sourds de petits soldats tasse leurs pieds au plus profond de leurs bottes, et les portent assez loin pour qu’ils rejoignent un fond sonore d’une extrême acuité. Ce groupe là passe en courant sans plus prêter attention à Jambon et à George. Le dernier de la file cependant glisse et tombe dans le trou où est George.

-« Salut, comment t’appelles tu ?  crie George comme un fou. Il casse sa voix.

Une violente accalmie fait cesser le brouhaha. On n’entend plus les soldats crier, les squelettes grincer, les canons éclater, les citrons exploser, ni la fille de la maintenance épandre du sel pour que ça ne gèle pas ou des obus siffler la marseillaise. Très loin, sur une colline, dans un belvédère, l’orchestre entame un très calme adagio qu’on entend à peine.

-Moi c’est Martin, et j’en ai vraiment assez de la bataille. J’aimerais être ce soir quand tous éteindrons leurs fusils pour aller dormir.

-Oh, réponds George, on bénéficie d’un petit moment de calme. Peut être que ça va durer.

Le boucan reprend depuis très loin et se propage plus vite que le son dans de nombreuses directions.

-Ca ne sera jamais finit ! hurle Martin à s’en décrocher les yeux. »

La seule réponse de George, que personne n’entendra, fut un faible « oui, la guerre. » 

Pendant dix minutes c’est un vacarme infernal de bruits mélangés et les trois amis attendent avec anxiété la prochaine accalmie qui arrivera sans prévenir. Ils craignent en silence le moment où toute la poussière retombera.

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Commentaires
A
J'ai tout compris, en particulier le passage avec les citrons.
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