Les Mathoeufs, leur Cerveau
Nombreux sont les savants qui, durant de longues périodes historiques, ont tenté d'éclaircir l'extraordinaire obscurité formant autour de la question du cerveau des Mathoeufs un impénétrable voile. Ils luttaient de toute leurs forces contre les préjugés les plus abscons (mais littérairement souhaitables) émanant des croyances populaires, parmi lesquelles celles qui clamaient que le mathoeuf était creux et contenait de l'air chaud. Les gens qui disent ça, n'en ont jamais ouvert un.
La tête du Mathoeuf est une cavité osseuse indépendante et étanche, de laquelle partent cependant quelques canaux mettant en relation l'âme (supposée) au corps. Ce corps caverneux est remplit d'un épais liquide que l'on nomme "liquide sémantique", dans lequel nagent des cellules libres munies sur chacune de leurs faces de cils sensibles à tout ce qui peut entrer en contact avec elles. Le rôle de ces cellules nerveuses est encore très mal connut. Cependant, leur comportement et leur conformation générale n'est pas sans rappeler celui des neurones humains rencontrés dans les aires liées à la parole. Ces cellules très fines sont mises en contact avec d'autres, plus épaisses, reposant normalement à cause de leur poids au fond de la calotte crânienne, et appelée "Corps neuronal sec". La chaleur corporelle du mathoeuf, en se transmettant du corps à l'os, agite le liquide sémantique de mouvements fluides très complexes, desquels dépendent des rencontres fortuites entre corps neuronal sec et cellules cognitives. Plus les cellules libres sont connectées en nombre au corps neuronal sec, moins le Mathoeuf peut réfléchir clairement. En d'autres termes, l'intelligence des Mathoeufs dépend d'un nombre réduit de connexions. Les cellules du corps neuronal sec sont des centres de traitements, de classement et de regroupement des influx énergétiques qu'envoies les récepteurs sensoriels du Mathoeuf. Si le mathoeuf est exposé à une température trop élevée, les connexions sont plus nombreuses, car le liquide est agité de mouvement plus rapides. La part mystérieuse de cet admirable système est que le Mathoeuf doit comprendre le monde qui l'entoure grâce à un système qui repose sur des rencontres entièrement fortuites. Certains pensent qu'un tissu très fin fait sans cesse la connexion entre chaque cellule. L'existence d'un tel tissu n'a jamais été attestée.
En des temps barbares, on s'émerveillait des littéraires parallélismes entre le fonctionnement de ce cerveau et celui de la théière. Et, naturellement, on attribuait des noms et des capacités amusantes à certaines parties du cerveau. Le corps neuronal sec était nommé "Partie destinative", et elle contenait prétendument le destin du Mathoeuf et de ceux qu'il connaissait. Il y eu de grand massacres, appelés plus tard "Génocides du Destin". Les Mathoeufs, eux, n'ont pas besoin de destin; ils n'ont pas de croyance en un "sens de la vie".